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La prédication féminine dans l’histoire : une particularité évangélique ?

Dernière mise à jour : 1 mars

Cet article est une simple refonte de notes de conférences que j’ai données dans plusieurs Églises et ne présente donc pas les caractères d’un texte abouti avec références précises et citations. 


Tableau de femme de National Historical Museum of Sweden
Photo de National Historical Museum of Sweden

I. Les Origines dans les Mouvements de la Réforme Radicale Anglo-Saxonne

 

Deux groupes de réformateurs radicaux ont offert une opportunité particulière aux femmes de prêcher : les baptistes du XVIIe siècle et les quakers.

 

Les baptistes, dès 1641, comptaient six femmes prédicatrices, dont Anne Hempstall et Mary Bilbrow, soulignant la nécessité pour les femmes vertueuses de combler le vide laissé par l'absence d'hommes. Les femmes prêchaient parmi les baptistes des Pays-Bas, en Angleterre et dans le Massachusetts, bravant persécutions et emprisonnements. Au milieu des années 1600, Dorothy Hazzard était connue comme une prédicatrice, leader d'études bibliques, gagneuse d'âmes et fondatrice de l'une des églises baptistes les plus célèbres d'Angleterre (l'église baptiste de Broadmead). Une congrégation londonienne organisait des services spéciaux au cours desquels les femmes pouvaient prêcher, et ceux-ci attiraient parfois des foules de plus de 1 000 personnes. Un pamphlet anti-baptiste du XVIIe siècle affubla ces prédicatrices de la désignation méprisante de « she-preacher ».

 

Les quakers, sous l'influence de figures telles que Margaret Fell, défendaient la participation des femmes au ministère chrétien. Fell, dans son ouvrage paru en 1666 Women speaking justified, Proved, and Allowed of by the scriptures (premier ouvrage écrit pour la défense du ministère de femmes), argumentait en faveur de la prédication féminine en se basant sur des exemples bibliques, l'attitude de Jésus envers les femmes et la compréhension des textes pauliniens. De très nombreuses femmes quakers partirent donc évangéliser, deux à deux, au prix de beaucoup de moqueries et de persécutions. Parmi elles on peut citer Ann Blaykling. Ann rencontra George Fox en mai 1652 lorsqu'il prêcha à Sedbergh, et il vint séjourner à la ferme où Ann vivait avec son frère John et son père Thomas Blaykling. Le frère d'Ann était un pasteur puritain, mais c'est John et Ann qui devinrent des évangélistes quakers après avoir entendu prêcher George Fox. Ann voyagea dans le sud-est et diffusa la parole jusqu’en Cornouailles. Là-bas, elle effraya tellement une femme que celle-ci déclara qu'elle n'était "pas une femme, mais un homme". Ann fut arrêtée et emprisonnée à plusieurs reprises, et prit part à des controverse notamment en tenant tête au prédicateur baptiste John Bunyan.

Les prédicatrices quaker partirent d'Angleterre pour évangéliser tant en Amérique du Nord qu’en Turquie. Elizabeth Hooten, l'une des premières à venir dans les colonies américaines, effectua deux voyages missionnaires en Nouvelle-Angleterre après ses soixante ans. Les puritains ne toléraient pas les quakers et persécutèrent Hooten en l'emprisonnant, en la privant de nourriture, en la battant et en l'exilant.

 

 

II. La prédication féminine dans l’histoire du Grand Réveil (vers 1725-1770)

 

Les femmes jouèrent un rôle crucial dans ce mouvement, axé sur l'expérience personnelle avec Dieu. Sarah Osborn, pendant le Grand Réveil, dirigea des cultes à Newport, Rhode Island. Le mouvement de réveil était arrivé dans sa ville, Newport, Rhode Island, entre 1766 et 1767. Elle prit l'initiative d'organiser des cultes à son domicile. Ces réunions attirèrent parfois plus de cinq cents participants, mais suscitèrent également de vives critiques. On prétendait qu'elle avait tort d'inclure hommes et femmes dans ces rassemblements et de perturber l'ordre social en permettant aux personnes de couleur d'y participer. Elle justifia son rôle en arguant de l'appel de Dieu, de l'absence d'hommes volontaires et de la préférence de la communauté pour son leadership.

 

Parmi les méthodistes, l’évolution de John Wesley eut des conséquences significatives pour les femmes dans le ministère. Bien que Wesley ait initialement hésité sur le rôle des femmes prédicatrices, des facteurs tels que sa vision du méthodisme comme un mouvement au sein de l'Église d’Angleterre et la conviction d'un « appel extraordinaire » conduisirent à l'autorisation des femmes comme prédicatrices. L'influence de sa mère, Susannah Wesley, a certainement joué un rôle dans la position de Wesley. Elle organisait des réunions chez elle, rassemblant parfois plus de deux cents personnes, d'autres étant refusées faute de place. On peut toutefois noter que Susannah n'a jamais milité explicitement pour le "droit des femmes à prêcher". Elle partageait simplement sa compréhension de l'Évangile et invitait les autres à suivre le même chemin.

 

C’est ainsi que des femmes comme Sarah Crosby et Mary Fletcher, encouragées par Wesley, prêchèrent avec succès à des foules importantes. Elles « prêchaient régulièrement devant des foules de deux ou trois mille personnes dans des salles de bal, des puits de mines, des carrières mais aussi des chapelles. Sara Crosby était généralement en selle dès cinq heures du matin, et on pense qu’elle parcourut ainsi plus de 1500 km en 1777 ». (Ann Brown, Mesdames acceptez nos excuses, La clairière, Québec, 1997, p.12).

 

Cependant, avec la transformation institutionnelle du méthodisme, le rôle des femmes diminua, et les opportunités de ministère public se restreignirent après la mort de Wesley. C’est une illustration du fait que l'histoire du ministère féminin dans le christianisme révèle des moments de libération et d'émancipation, souvent liés à des mouvements de réveil et à des figures charismatiques qui ont contesté les normes établies.

 

III. La prédication féminine dans l’histoire du second Grand réveil (1790-1850)

 

Le réveil évangélique du XVIIIe siècle fut suivi d'un mouvement similaire dans la première moitié du XIXe siècle, connu sous le nom de "Second Grand Réveil". On estime que les deux tiers des convertis pendant cette période étaient des femmes de moins de trente ans. Cet afflux de femmes dans l'Église marqua l'ère des prédicatrices de manière encore plus prononcée, notamment aux États-Unis.

 

Bien que l’accent mis sur la « vraie féminité », qui fut un élément marquant de la pensée de l’époque, semblait aller à l’encontre d’une plus grande participation des femmes au ministère, ceux qui ont présenté ces idées ont également affirmé que les femmes étaient plus enclines que les hommes à la foi religieuse et à la droiture morale. Par conséquent, les Américains du XIXe siècle ont renversé la vision selon laquelle les femmes étaient sujettes au péché, à l’instar d’Ève. Plutôt que d’être des créatures faibles et lubriques, elles étaient idéalisées comme des exemples de vertu et de piété, tandis que les hommes étaient placés dans le rôle de brutes sensuelles et immorales. Les femmes étaient non seulement considérées comme moralement meilleures que les hommes, mais également spirituellement supérieures.

Comme l’explique un auteur : « La religion devint alors partie intégrante de la sphère domestique sur laquelle les femmes devaient régner. Elles étaient « particulièrement sensibles » au message chrétien. Les ministres suggéraient que les femmes étaient par nature douces, imaginatives, sensibles et émotives, autant de qualités qui étaient de plus en plus associées à la piété chrétienne. Ils ont ajouté que les femmes répondaient plus facilement au christianisme par gratitude pour la manière dont cette foi avait élevé leur statut social. Les femmes étaient considérées comme des imitatrices du Christ. Comme le Christ, elles ont apporté la rédemption au monde par leur vertu morale et leur ferveur religieuse. Comme le Christ, elles ont enduré les souffrances de cette vie avec patience et en silence ».

 

Pendant le Second Grand Réveil, plus d'une centaine de femmes parcoururent le pays en tant que prédicatrices itinérantes, tenant des réunions dans des granges, des écoles ou en plein air. Elles constituèrent la première vague de femmes à s'exprimer publiquement en Amérique. On peut alors se demander : pourquoi la plupart d'entre elles ont-elles été oubliées ?

 

Les groupes évangéliques qui autorisaient les femmes à prêcher, tels que les baptistes libres, la « Christian Connection », les méthodistes du Nord, les méthodistes africains et les millérites (précurseurs des adventistes du septième jour), étaient motivés à la fois par des considérations pratiques et théologiques. Pratiquement, tous ces sectes manquaient de ministres masculins pour suivre leur croissance spectaculaire au début du XIXe siècle. Désespérés, ils comptaient sur les femmes autant que sur les hommes pour diriger des réunions et organiser de nouvelles églises. De plus, ils trouvaient difficile de contrôler ce qui se passait lors de réunions très émotionnelles en plein air, où les convertis pleuraient souvent pour obtenir la miséricorde de Dieu, imploraient le pardon, voire s'évanouissaient. Dans l'un des réveils les plus célèbres, à Cane Ridge, Kentucky, en 1801, les convertis ne faisaient pas que s'évanouir, mais "étaient secoués" de manière incontrôlée, grognaient et aboyaient comme des chiens... Dans cette atmosphère tumultueuse, tout semblait possible… même la prédication féminine !

 

Ces groupes soutenaient également la prédication féminine pour des raisons théologiques plus profondes. Ils croyaient que l'autorité religieuse découlait d'une expérience religieuse sincère, non de l'éducation formelle, et craignaient que les églises établies n'aient "étouffé l'Esprit" en exigeant que les ministres soient diplômés. De plus, en raison de leur conviction que Dieu pouvait communiquer directement avec les croyants par des rêves, des visions et des voix, ils soutenaient qu'il était possible pour Dieu d'inspirer les femmes aussi bien que les hommes pour proclamer l'Évangile. Éducation, richesse, position sociale, genre - tout cela était insignifiant pour Dieu.

Compte tenu de la crainte que beaucoup de membres de ces sectes avaient de l'apocalypse imminente, ils regardaient également la prédication féminine comme un signe du millénium à venir. Ils exhortaient chaque converti, homme ou femme, à répandre l'Évangile avant qu'il ne soit trop tard.

 

Ces femmes étaient cependant très conservatrices par ailleurs. En tant que féministes "bibliques" plutôt que laïques, elles fondaient leur défense de la prédication féminine sur la révélation biblique plutôt que sur les droits naturels. La plupart d'entre elles ne croyaient pas que la Bible autorisait l'égalité politique, légale ou économique des femmes par rapport aux hommes. Malgré leurs efforts pour attirer de nouveaux convertis dans les églises évangéliques, elles ne demandaient jamais la permission de les baptiser ou de leur donner la Sainte Cène. Elles n'abordaient pas non plus le sujet délicat de l'ordination des femmes. Bien qu'elles aient publié des ouvrages en défense de la prédication féminine, elles affirmaient que seuls les hommes avaient le droit de diriger.

 

· Le revivalisme de Charles Finney

Un des artisans les plus fameux du second réveil, Charles Finney, se démarqua en donnant aux femmes une place plus visible dans son ministère. Il provoqua l'émoi parmi les revivalistes "plus respectables" en encourageant les femmes à prier à voix haute et à exercer leurs dons de prédication en témoignant lors de ses réunions de réveil.

En fait, Finney encouragea fortement les femmes à ne pas se contenter de ministères en coulisse, mais si elles en étaient capables et appelées, à exercer leurs ministères dans des rassemblements publics mixtes. Si les historiens divergent sur ce qui a motivé Finney à plaider pour des rôles publics pour les femmes dans le ministère, ses réunions de réveil le conduisirent en tout cas à conclure que "l'église qui réduit au silence les femmes est privée de la moitié de sa puissance".

 

Quelle que soit sa propre motivation, Finney fut le premier professeur de théologie à l'Oberlin College, une école ouverte aux étudiantes. La première femme à y avoir accès à une formation théologique fut Antoinette Brown. Bien qu'Oberlin College ait toujours été ouvert aux femmes depuis sa fondation, un professeur découragea activement Brown d'entrer au séminaire. Il exposa son argument dans le journal de l'école, prétendant que les femmes étaient émotionnelles, illogiques, physiquement délicates, à la voix faible, vaniteuses, dépendantes et destinées par Dieu pour être mères et femmes au foyer. Brown persévéra et fut finalement admise, bien que dans un environnement hostile où on l'empêchait de parler en classe ou dans la chaire. Pamela Salazar note que lors de la remise des diplômes de Brown en 1850, « il était jugé inapproprié pour elle de s'asseoir devant un public, de recevoir un diplôme ou d'être recommandée pour l'ordination. » Elle resta assise dans le public regardant tous ses collègues masculins recevoir leurs diplômes. Elle n’eut même pas le privilège de voir son nom inscrit sur le dossier de fin d'études. (Pamela Salazar, Theological Education of Women for Ordination).

Malgré son expérience malheureuse au séminaire, Brown fut ordonnée en 1853 et servit dans une église congrégationaliste. Luther Lee, un prédicateur méthodiste wesleyen, parla lors de sa cérémonie d'ordination, qui eut lieu dans une église congrégationaliste. Vingt-huit ans après sa remise des diplômes, elle reçut un diplôme de maîtrise honorifique de son alma mater. En 1908, elle reçut le titre de docteur en théologie. Elle écrivit neuf livres au cours de sa vie et prêcha jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans.

 

· Les prédicatrices de réveil chez les baptistes libres 

Dans son livre Great Women of Faith, Nancy A. Hardesty cite deux femmes baptistes libres ayant eu un ministère remarquable, Sally Parsons et Clarissa Danforth.


Clarissa Danforth (1792–1855) était la prédicatrice la plus renommée de la quatrième décennie de l'histoire des baptistes libres. Née à Weathersfield, Vermont, en 1792, elle entendit le pasteur John Colby prêcher en 1809 lors de son passage en Ohio et eut une expérience de conversion. Après son ordination en 18015, Danforth devint prédicatrice itinérante dans le nord de la Nouvelle-Angleterre. Elle commença à prêcher dans le Rhode Island en 1818, après avoir pris la relève en tant que pasteure de la Chepachet Baptist Church lorsque John Colby décéda. Danforth y passa la majeure partie de sa carrière et contribua à diriger le réveil à Smithfield émanant de la Greenville Baptist Church. Elle prêcha également périodiquement au Massachusetts, au New Hampshire et au Vermont. Elle prit la parole lors de la Convention annuelle des baptistes à Tunbridge, Vermont, en 1818, aux côtés de Charles Bowles, un pasteur noir ! Pour les baptistes libres, « ni la couleur ni le sexe n'étaient regardés avec préjugé, car la condition des perdus et la plénitude de la rédemption occupaient toute leur attention ». Elle fut la première femme ordonnée ministre baptiste libre.

 

Sally Parsons consacra sa vie au Christ en 1792. Dès 1797, elle avait acquis une réputation de prédicatrice itinérante. Lors de la réunion annuelle de New Durham en 1797, une collecte fut organisée pour lui acheter un cheval, une selle et une bride afin qu'elle puisse voyager, exhorter et prier. Lorsque Sally épousa Benjamin Walton Randall, la réunion annuelle lui offrit le cheval, la selle et la bride en cadeau de mariage.

 

· Dans les autres milieux

Les femmes pasteurs dans les ministères paroissiaux traditionnels sont restées relativement rares, ne dépassant guère la vingtaine à la fin des années 1800. En revanche, celles qui désiraient suivre ce qu'elles percevaient comme l'appel de Dieu se sont tournées vers des groupes plus marginaux de la vie religieuse américaine, tels que les Quakers, les Free Methodists, les Freewill Baptists et les mouvements de vie profonde. Ainsi, à la fin du siècle, on comptait environ 500 femmes évangélistes, 350 prédicatrices quakers et de nombreuses officières de l'Armée du Salut.

Parmi les femmes les plus connues, on trouve Phoebe Palmer (1807-74), Catherine Booth (1829-90), Hannah Whitehall Smith (1832-1911) et Harriet Livermore (1788-1868).

 

  • La figure remarquable d’Harriet Livermore :

Harriet Livermore était la prédicatrice féminine la plus connue de son époque. Elle fut l'une des figures marquantes du Réveil aux États-Unis. Elle parcourait le pays en tant que prédicatrice itinérante, tenant des réunions dans divers endroits, y compris à des rassemblements religieux et des assemblées publiques. L'un des aspects les plus notables de sa vie était sa prédication devant le Congrès américain. Elle y a prêché à quatre reprises, une pratique qui, à l'époque, était inhabituelle pour une femme. Outre son rôle en tant que prédicatrice, Harriet Livermore s'est également impliquée dans des questions politiques et sociales. Elle a utilisé ses prises de parole publique pour aborder des questions telles que l'esclavage, l'éducation et d'autres problèmes sociaux de son époque. Comme beaucoup d'évangélistes de son temps, Livermore était influencée par des croyances apocalyptiques et certains de ses discours reflétaient une conviction en une fin imminente du monde.

 

  • Phoebe Palmer, Catherine Booth et Hannah Whitehall Smith.

Phoebe Palmer a passé la majeure partie de sa vie à New York, mariée à un médecin. Elle ressentait l'appel de propager la doctrine méthodiste de la sainteté à travers des réunions de réveil et des campagnes d’évangélisation aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. Ses publications, dont un magazine mensuel intitulé "The Guide to Holiness" et le livre "The Way to Holiness" (1851), ont eu un impact substantiel sur la théologie wesleyenne. Elle a également créé plusieurs missions pour les pauvres dans les taudis de New York et s'est engagée dans le mouvement en faveur des droits des femmes. Dans son livre en défense de la prédication féminine, intitulé "La Promesse du Père" (dans lequel on trouve aussi de nombreux exemples de prédicatrices), Palmer plaide non pas pour le droit à l'ordination, à la charge pastorale ou à l'autorité des femmes, mais pour le droit des femmes à prêcher le Christ quand le Saint-Esprit les conduit à le faire.

 

Catherine Booth a participé avec son mari à la fondation de l'Armée du Salut. Mère de huit enfants, elle n'a pas seulement prêché, mais elle a également œuvré pour réduire l'exploitation des femmes et des enfants. Au sein de l'armée du Salut, elle a établi le principe de l'égalité absolue entre hommes et femmes. Outre son ministère de prédication, elle a publié plusieurs pamphlets sur le témoignage, la vie chrétienne et la relation entre l'Église et l'État. Dans son petit livret de 1859, "Le Ministère Féminin : Ou, le Droit des Femmes à Prêcher l'Évangile", elle argumente que 1 Corinthiens 11:5 est "le passage le plus saillant et explicite en faveur de la prédication des femmes", avec Actes 2:17–21 en confirmation. Elle définit la prophétie comme le fait saint Paul, comme "l'édification, l'exhortation et le réconfort des croyants" (1 Corinthiens 14:3) et l'assimile ainsi à la prédication.

 

La troisième de ces prédicatrices célèbres du XIXe siècle, Hannah Whitehall Smith, s'est impliquée dans le mouvement de vie profonde et a joué un rôle important dans la fondation de la conférence de Keswick. Malgré l’aventure de son mari avec une jeune femme, qui a amené celui-ci à quitter le ministère, elle a continué à enseigner, prêcher et écrire. Son œuvre la plus célèbre est un livre de dévotion intitulé "Le Secret Chrétien d'une Vie Heureuse". Le mouvement de sainteté la revendique fièrement comme une popularisatrice de la doctrine de la sanctification comme « une deuxième œuvre de grâce ».

 

Comme on l’a souvent noté, ces trois femmes - Palmer, Booth et Smith - partagent des caractéristiques communes dans leur vie : elles faisaient toutes partie de couples mariés, dans chaque cas la femme étant plus en vue que l'homme ; toutes avaient plusieurs enfants et parvenaient à concilier la vie domestique avec leur ministère ; et chacune était associée au mouvement de sainteté.

 

D'autres groupes dont les activités ont conduit à une augmentation du nombre de femmes dans le ministère public au XIXe siècle étaient l'Église des Frères (Brotheren Church), l’Alliance Chrétienne Missionnaire, l'Église de Dieu (Anderson, Ind.) et l'Église de Dieu (Cleveland, Tenn.).

Sara Righter Major fut la première femme prédicatrice dans la tradition anabaptiste allemande (Brotheren Church). Née le 29 août 1808 près de Philadelphie, en Pennsylvanie, à l'âge de dix-huit ans, elle entendit prêcher Harriet Livermore. Cet événement changea sa vie. Livermore était une prédicatrice bien connue que les Frères progressiste de la région de Philadelphie autorisaient parfois à prêcher, une chose que les Frères des zones rurales auraient été beaucoup moins enclins à permettre. Elle fut ainsi un exemple stimulant pour la jeune Sara qui, peu de temps après avoir rejoint l'église, se sentit appelée à prêcher. Après bien des hésitations, elle commença à prêcher publiquement à l'église de Philadelphie, encouragée par son père et un ancien de son église. En 1834, huit ans plus tard, elle était suffisamment connue dans la fraternité pour attirer l'attention de l'Assemblée annuelle. Les anciens de l'Assemblée annuelle décidèrent d'envoyer un comité pour « la faire taire » mais après de nombreuses discussions, les anciens repartirent sans faire respecter la décision de l'assemblée. Interrogé sur la question, l'ancien James H. Tracy de l'Indiana, l'un des membres du comité, répondit : « Je ne peux pas élever ma voix pour faire taire quelqu'un qui peux me surpasser en prédication ».



Si on revient à la question posée un peu plus haut dans notre post, on comprend pourquoi ces femmes ont été oubliées : elles étaient prises entre deux feux ! Malgré leur popularité au début du XIXe siècle, les prédicatrices ont été oubliées car… personne n'a cherché à préserver leur mémoire. En tant que féministes bibliques, elles étaient prises entre deux mondes. Révolutionnaires dans leur défense de la prédication féminine, mais traditionnelles dans leur théologie, elles étaient trop radicales pour être acceptées par les évangéliques, mais trop conservatrices pour être acceptées par les militantes des droits des femmes. Méprisées par les deux communautés qui auraient pu célébrer leurs accomplissements elles ont été pour la plupart oubliées.


. Femmes militantes sociales.

L'activisme social a caractérisé une grande partie du XIXe siècle. Le mouvement de tempérance offrait l'une des rares opportunités largement reconnues pour les femmes du XIXe siècle de répondre à un appel au ministère. Le lien étroit entre la tempérance et la vie domestique permettait aux femmes de servir dans des postes de direction. Les méfaits de l'alcool ravageaient les familles et détruisaient les fils qui avaient été soigneusement éduqués par ces femmes pieuses. Par conséquent, il était tout à fait approprié que celles-ci s'engagent à sauver leurs maris et leurs fils de la spirale destructrice de l'alcool. Dans le cadre de leur travail pour la tempérance, les femmes enseignaient la Bible dans les prisons, les postes de police et les gares. Elles évangélisaient également parmi les marins, les bûcherons et les soldats.

Pendant la période de 1820 à 1840, de nombreuses femmes ont rejoint des sociétés de réforme concernées par la paix, la tempérance et la réforme pénitentiaire. Dans les années 1840, elles ont dirigé leur attention vers le mouvement abolitionniste. En s'opposant aux défenseurs de l'esclavage, les femmes ont été amenées à réfléchir à leur propre place dans la société. Si Galates 3:28 signifiait que les esclaves devraient être égaux à leurs maîtres, alors les femmes devraient également être incluses dans le concept biblique d'égalité.

Deux des premières leaders du mouvement abolitionniste, Sarah Grimké (1792-1873) et sa sœur Angelina (1805-1879), ont commencé à adopter cette attitude lorsqu'elles parlaient à des audiences comprenant à la fois des hommes et des femmes. Elles sont devenues des modèles pour d'autres femmes de leur époque, et certaines de leurs partisanes ont réussi à organiser une conférence à Seneca Falls, New York, en 1848 dans le but de garantir les droits des femmes. (Cette conférence, tenue dans une chapelle méthodiste, est regardée comme le point de départ de la première vague du féminisme aux USA). Cependant, tout comme celles qui prêchaient l'Évangile, ces activistes ont été confrontées à une forte opposition. Un exemple en est la Convention mondiale de la tempérance à New York en 1853 où Antoinette Brown, la déléguée de sa société locale, essaya en vain de s’adresser à la foule : « Il y avait un grand tumulte, et je restai debout sur la plateforme pendant trois heures, jusqu’à ce que quelqu'un m'apporte une chaise, et je n'eus pas l'occasion d'ouvrir la bouche. Il y avait tellement de piétinement et de coups de canne que l'air était plein de poussière ».

 

IV. La prédication féminine dans l’histoire du tournant du XXe siècle

 

· Le mouvement de sainteté et le Pentecôtisme

Les églises de sainteté wesleyenne et les églises pentecôtistes, mettant l'accent sur l'importance de l'influence et des dons du Saint-Esprit, avaient tendance à minimiser les différences de rôle et à élever l'importance de l'onction du Saint-Esprit pour choisir qui il voudrait. Elles furent ainsi parmi les premières dénominations conservatrices à ordonner des femmes en tant que prédicatrices, pasteures et « anciennes ». L'Armée du Salut commença à ordonner des femmes en 1870, l'Église méthodiste wesleyenne en 1891, et diverses églises pentecôtistes au début des années 1900.

Ces églises avaient tendance à être une combinaison de complémentarité et d'égalitarisme, soutenant les femmes dans divers types de ministères, tout en adhérant à la doctrine de la « tête masculine », notamment dans le foyer. Ainsi, l'Armée du Salut, malgré l'ordination de femmes et d'hommes, n'a jamais permis à une femme de surpasser son mari et considérait l'épouse comme l'assistante ministérielle du mari, soumise à sa supervision. Une autre leader très douée (et à la vie personnelle mouvementée), Aimee Semple McPherson, fonda l'Église Foursquare.

 

Les femmes jouèrent un rôle prépondérant dans les débuts de l'Église de Dieu (Anderson, Indiana), fondée en 1881 par D. S. Warner. Au début, les femmes étaient considérées comme une partie essentielle du leadership et fonctionnaient au même niveau que les hommes. En 1902, un rapport indiquait que 25% des 200 leaders de l'église étaient des femmes. Cela était exceptionnel à l'époque.

Cependant, même dans les milieux pentecôtistes, une tension subsistait. Bien que les femmes soient encouragées à être prédicatrices et évangélistes, il y avait une réticence quant au rôle formel de pasteur. La plupart des groupes pentecôtistes distinguaient entre le leadership prophétique et sacerdotal. Le premier concernait la prédication et l'enseignement, le second la gestion ecclésiastique et la supervision administrative, qui étaient principalement réservées aux hommes.

 

L'Église du Nazaréen est un autre exemple de ce phénomène. La constitution originale de cette dénomination reconnaissait expressément le droit des femmes de prêcher. Mais dans les décennies qui suivirent, les rôle important des femmes s’estompa. (Le pourcentage de femmes parmi le clergé de l’Eglise du Nazaréen est passé de 30 % à moins de 5 %, et moins de 1 % des églises du Nazaréen aux États-Unis ont actuellement des femmes pasteurs.)

 

Les Assemblées de Dieu : Alors qu’outre-atlantique le mouvement des Assemblées de Dieu a dès sa naissance encouragé le ministère féminin, le pentecôtisme français se distingue par une très forte réticence à la reconnaissance de la prédication et du pastorat féminin. Dans les toutes premières années du mouvement, des femmes ont été invitées à prêcher et ont reçu un soutient enthousiaste, comme Caroline de Rougemont (cf. Pionnière de XXème siècle : le ministère oublié des femmes pentecôtistes française 1932-1948). Mais on peut penser qu’une des raisons qui ont conduit à une telle différence réside dans le terreau dans lequel le Pentecôtisme français s’est développé. A la tradition Wesléenne qui constituait son milieu de naissance aux USA (en particulier le mouvement de sainteté, l’église du Nazaréen et l’armée du salut) ce sont des pasteurs baptistes et réformés qui ici ont embrassé le réveil et ont été les plus influents dans l’établissement de la nouvelle dénomination.

 

· Les Églises de frères (anabaptistes allemands – frères de Schwarzenau)

Peu de temps après que l'aile progressiste de l'Église des Frères eut organisé une dénomination distincte à la fin du XIXe siècle (Church of the Bretheren – d’où naitront plus tard les frères de la Grâce/Charis), celle-ci encouragea les femmes à assumer des rôles de leadership. Henry R. Holsinger, le principal porte-parole de l'Église des Frères dans la période qui a suivi 1883, a écrit à l'âge de soixante-deux ans : « Je suis heureux de ne jamais avoir empêché les femmes de prêcher et d'appartenir à une église qui les aide ».

En 1894, la Conférence générale de l'Église des Frères adopta une résolution accordant aux femmes le droit de servir en tant que pasteures et missionnaires. La première femme ordonnée, Mary M. Sterling, convertie lors d’une réunion de réveil à l’âge de douze ans, était une évangéliste énergique. Après que son Église natale de Masontown ait confirmé son appel au ministère par un vote unanime, elle fut ordonnée en 1890 et commença une période fructueuse de service. Au cours des années 1889-1900, elle prêcha 1 157 sermons et fit entrer dans l'Église des Frères soixante-dix-huit personnes, dont quarante-huit reçurent le baptême de ses mains. (Brethren Women In Ministry: Century One, Jerry R. Flora, Ashland Theological Journal/15-1). Au cours d'un seul périple de sept mois à travers la Virginie-Occidentale et la Pennsylvanie, elle prêcha 207 sermons en 187 jours, ajouta 27 membres à l'église et baptisa 18 personnes. Elle était une leader respectée et donna l'un des principaux sermons à la Conférence générale en 1894.

Là encore on peut observer un schéma par trop habituel. Au début du mouvement, de nombreuses autres femmes servaient en tant que prédicatrices, pasteures et évangélistes. Cependant, une fois que le travail d’établissement de la dénomination fut achevé et qu’elle fut mieux organisée, les hommes reprirent le rôle de leadership. Les femmes continuèrent à exercer un ministère sur le terrain missionnaire, mais même là, elles étaient considérées comme moins importantes que les hommes. Aujourd’hui les frères de la grâce sont assez réticents envers le ministère de prédication des femmes.

 

· Les premiers instituts bibliques et le mouvement fondamentaliste

 

Dans son étude des articles des journaux des premières écoles bibliques en Amérique, Janette Hassey montre que ces institutions évangéliques défendaient systématiquement les ministères publics féminins dans l’enseignement, la prédication et l’évangélisation. À partir de la Première Guerre mondiale, quelques auteurs d’articles se sont opposés à certaines formes de ministère pour les femmes. Les premières traces de restriction concernaient des femmes pasteurs dont la position impliquait la direction de l'Eglise. Cependant, la politique officielle du Moody Bible Institute par exemple, a permis à une femme d'obtenir son diplôme du « Pastor’s Course » jusqu'en 1929 ! « En 1927, le Moody Bible Institute Alumni News a fièrement publié une lettre contenant un récit personnel étonnant du ministère de Mabel C. Thomas, diplômée du MBI en 1913. Thomas, appelé au pastorat dans une église du Kansas, avait prêché, enseigné des cours bibliques hebdomadaires et baptisé des dizaines de convertis. Elle a conclu sa lettre par des remerciements, car elle « n’aurait pas pu saisir les opportunités nombreuses et variées de service sans la formation de MBI. » (No Time for Silence, Janette Hassey – empl.25-28).

En considérant les positions de Moody Bible Institute aujourd’hui, Janette Hassey fait remarquer que nous sommes bien là devant le paradoxe du « féminisme fondamentaliste ». Ces recherches n’ont identifié qu’une seule petite école, le Denver Bible Institute de Fowler, qui était ouvertement hostile aux femmes dans le ministère. Le Bible Institute of Los Angeles et le Philadelphia College of the Bible imposaient apparemment certaines restrictions au ministère public des femmes. Cependant, de grandes écoles évangéliques telles que Nyack, Gordon et Northwestern, ainsi que la plupart des petits instituts, formaient des femmes pour prêcher, entrer dans le pastorat et enseigner la Bible. Ces écoles du début du siècle ont contribué à faire connaître la prédication et les expériences pastorales des générations précédentes et ont impliqué des évangélistes féminines dans le travail d'expansion de la foi évangélique.

 

Dans le même ouvrage, No Time for Silence, Janette Hasley résume aussi ses découvertes concernant les leaders fondamentalistes du début du 20ème siècle : « Alors que je poursuivais mon enquête sur les rôles des femmes dans les premiers cercles fondamentalistes, j'ai trouvé que le fondamentalisme du début du siècle n'était ni exclusivement dominé par les hommes ni intrinsèquement antiféministe dès le début. Plus précisément, lorsque j'ai examiné la vie et le ministère de « figures évangéliques de transition » comme D. L. Moody et Adoniram. J. Gordon ou des fondamentalistes autoproclamés comme W. B. Riley et J. R. Straton, j'ai découvert des leaders clés qui considéraient leur soutien aux prédicatrices comme cohérent avec leur littéralisme biblique ». (Janette Hassey – No Time for Silence – empl.51-54). John Roach Straton, surnommé le "pape fondamentaliste", soutint notamment le ministère de prédicatrice de la jeune Uldine Utley qu’il accompagna lors d’une de ses campagnes d’évangélisation dans le célèbre Cadle Tabernacled'Indianapolis, où elle s'adressa à 15 000 personnes chaque dimanche, et à de grandes foules après-midis et soirs quotidiennement pendant cinq semaines.

 

Le domaine de la mission nécessiterait à lui seul un long exposé, car il a été l'un des domaines où les femmes ont pu exercer un ministère avec une plus grande liberté, parfois refusée dans leur pays d'origine. Cependant, certains fondateurs de missions, au sein du mouvement évangélique conservateur, ont été de fervents défenseurs du ministère d'évangéliste pour les femmes. Par exemple, Fredrick Franson, fondateur de l'Alliance Missionnaire Scandinave, aujourd'hui The Evangelical Alliance Mission (qui a fondé les AEEI en France), défendait la place des femmes dans la prédication de l'Évangile. Son article « Prophesying Daughters », expose une défense systématique de la prédication féminine.

Né en 1852 en Suède, Franson s'était converti en 1872 peu de temps après son arrivée aux États-Unis. En 1875, il rencontra Dwight L. Moody et fut grandement influencé par lui et le dispensationalisme de John Nelson Darby. Il croyait au retour imminent du Christ et donc à la nécessité de propager l'Évangile le plus rapidement possible. Il commença ses voyages internationaux en 1881 en se rendant en Scandinavie, en Europe, en Afrique du Nord et en Amérique. Dans son plaidoyer pour le ministère des femmes, il expose ainsi la situation de la mission : « Il y a, pour ainsi dire, beaucoup de gens dans l'eau sur le point de se noyer. Quelques hommes essaient de les sauver, et cela est considéré comme bien et bon. Mais regardez, là-bas, quelques femmes ont détaché un bateau aussi pour aider au sauvetage, et immédiatement quelques hommes crient, restant là à ne rien faire et ayant donc beaucoup de temps pour crier : "Non, non, les femmes ne doivent pas aider, laissez plutôt les gens se noyer." Quelle stupidité ! Et pourtant, cette image est très appropriée. Les hommes ont, au cours de tous ces siècles, montré qu'ils n'ont pas le pouvoir d'accomplir seuls l'œuvre du salut du monde ; par conséquent, ils devraient être reconnaissants de recevoir de l'aide. » (https://www.cbeinternational.org/resource/article/prophesying-daughters)

 

Conclusion : la prédication féminine dans l’histoire.

 

Ce bref survol de la prédication féminine dans l’histoire montre qu’il est erroné de présenter la défense du ministère féminin (prédication, pastorat) comme étant simplement la conséquence du mouvement féministe des années 60-70. La prédication féminine est le fruit des réveils évangéliques et a même précédé la première vague féministe du milieu du XIXe siècle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la conférence de Sanecca Falls qui marque le début du combat pour la défense des droits des femmes en Amérique s’est tenue… dans une Église méthodiste ! Une attitude favorable au ministère féminin semble en fait être une des marques les plus récurrentes des réveils évangéliques. Inversement, les attitudes les plus réfractaires au ministère féminin se sont rencontrées plutôt chez les adversaires des réveils et ceux qui d’une manière plus globale valorisaient d’avantage la stabilité institutionnelle. Un regard plus affiné nous permettrait de distinguer entre les deux pôles de traditions autour desquelles s’est développée l’identité évangélique. Le pôle de tradition réformée/presbytérienne d’une part (largement réticente vis-à-vis du ministère féminin), et la tradition wesleyenne/pentecôtiste (généralement plus ouverte à la prédication féminine). La France a cependant la particularité d’avoir une très forte influence de la première tradition à travers ses principaux instituts de formation et d’avoir le principal représentant de la deuxième tradition (les ADD) qui, singulièrement, pour les raisons explicitées plus haut, a adopté une position en rupture avec la tradition qui l’a fait naître outre-atlantique. Cette situation explique en partie le petit nombre de femmes pasteurs dans l’hexagone. Ce sont pourtant les milieux évangéliques qui ont les premiers ordonnés des femmes pasteurs dès le milieu du 19ème siècle outre atlantique. En France, parmi les évangéliques, Madeleine Blocher-Saillens devint la première femme pasteur à l’Eglise baptiste du Tabernacle à Paris en 1929.


Après la seconde guerre mondiale et surtout à partir des années soixante le pastorat féminin s’est développé dans de nombreuses Eglises à travers le monde y compris dans les unions d’Eglises évangéliques. En France par contre, le nombre de femmes pasteurs dans le milieu évangélique est demeuré extrêmement faible, ce qui fait dire à Sébastien Fath qu’en quelques décennies, « l’avance évangélique traditionnelle, depuis les antécédents de la réforme radicale, en matière d’expression féminine se serait peu à peu estompée, voire transformée en retard (dans le domaine de la prédication), si l’on se base du moins sur l’évolution générale du rôle de la femme en société. » (Fath p.53) Il émet l’hypothèse suivante : « Nous pouvons nous demander dès lors si nous ne sommes pas passés d’un non-conformisme précurseur à un non-conformisme conservateur ». (Sébastien Fath, La prédication féminine en protestantisme évangélique, Hokhma n°74, 2000, p.53).


Patrice A. : janvier 2024

 

 

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