Un rapide coup d’œil sur quelques données du NT sur la place des femmes dans les Églises du 1er siècle
A. Le contexte de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament
Dans la société patriarcale de l’Ancien Testament la femme « assume sous l’autorité du Père, puis du mari ou du parent le plus proche les rôles domestiques et celui de mère. »[1] L’engagement hors de la maison est pratiquement inexistant mais on peut noter quelques exceptions remarquables, comme Déborah, (Juge 4-5 : elle fut juge en Israël et conduisit le peuple à la victoire sur Yabîn) ou encore Huldah (2 rois 22 : prophétesse au temps de Josias). Le rôle de ces prophétesses n’est pas lié à l’absence des hommes comme on le suggère parfois. Hulda était une contemporaine de Jérémie et de Sophonie et c’est pourtant elle que Josias envoya consulter. A certains moments de la vie d’Israël les femmes ont semble-t-il bénéficié d’une grande liberté d’action. Ainsi la femme du livre des Proverbes (31:10ss) assume un véritable rôle de chef d’entreprise. Mais après l’exil babylonien le droit des femmes dans la vie cultuelle et publique s’est considérablement restreint.[2] Ann Brown résume bien la situation générale : « La vie à l’extérieur de l’Eden est particulièrement dure pour les femmes. L’Ancien Testament est marqué par les inégalités et le sexisme des cultures patriarcales dans lesquels ces textes s’enracinent. Néanmoins la domination masculine n’est pas totale, l’Ancien Testament n’est pas le monopole des hommes. Les femmes y sont bien présentes et leur image est bien plus positive qu’on ne voudrait le laisser croire. Le point le plus important est que les textes ne font pas de l’homme l’interlocuteur exclusif ou privilégié de Dieu. En tant que citoyenne, la femme a pu être considérée comme inférieure ; mais dans sa relation avec Dieu, elle ne l’était aucunement. »[3]
B. Dans la société juive et gréco-romaine du premier siècle :
A propos de l’attitude de Jésus envers les femmes, Ann Brown écrit : « Jésus s’adressait aux femmes en public, leur donnait un enseignement, leur permettait de le suivre et de prendre une part active à son ministère. Il était en rupture avec l’enseignement des rabbins. »[4] Le professeur Jérémias pense qu’il s’agit « d’un événement sans précédent dans l’histoire de cette époque. »[5] En effet, dans la tradition des rabbins, la femme n’est pas considérée comme un être responsable et adulte, égale de l’homme. Elle n’était pas enseignée dans la connaissance de la loi. « Que l’on brûle la Torah plutôt que d’en communiquer les enseignements à une femme » disait un rabbin.[6] La partie de la synagogue où les rabbins enseignaient était interdite aux femmes et les écoles rabbiniques étaient réservées aux garçons. Toutefois dans le judaïsme de la diaspora les situations étaient assez diverses. Il semble même que des femmes aient été chef de synagogue.
Dans la société gréco-romaine, sous l’influence des reines et des femmes nobles une certaine catégorie de femmes de la classe aristocratique s’émancipe dans la vie publique (cf. Lydie marchande de pourpre). Mais dans l’ensemble la femme « était considérée comme une propriété, qu’elle soit épouse, hétaïre [courtisane] ou esclave.[7] Toutefois dans le monde grec elles avaient un grand rôle dans certaines religions à mystères et dans les cultes orgiaques. A Ephèse, par exemple, le grand temple d’Artémis accueillait un nombre important de femmes prêtresses. [8]
C. Dans les Eglises du Nouveau Testament.
En fait nous n’avons aucune description systématique de la pratique de l’Eglise néotestamentaire concernant le rôle des femmes. Toutefois l’impression générale qui se dégage du Nouveau Testament est loin d’être aussi défavorable au ministère féminin qu’on ne le pense souvent. Bien au contraire !
La pratique de l’Eglise primitive s’inspire de la pratique de Jésus. Pendant son ministère terrestre, « les disciples montrent combien le comportement de Jésus envers les femmes s’écartait de la norme. A plusieurs reprises, ils ne comprirent pas le comportement de Jésus. Ils furent surpris de le trouver en conversation particulière avec une Samaritaine (Jean 4:4-26), ils s’indignèrent qu’une femme se permît de lui oindre les pieds d’un nard si coûteux (Matthieu 26:6-13), ils tentèrent d’éloigner femmes et enfants de la proximité de Jésus (Matthieu 15:21-28 et 19:13-14). »[9] Après la Pentecôte, les femmes s'assemblent avec les hommes lors des rencontres de l’Eglise, ce qui tranche avec la pratique de la synagogue, mais est conforme à la plupart des pratiques des cultes païens. Les quatre filles de Philippe, dans le livre des actes, étaient prophétesses. Quel était exactement leur ministère ? Il est difficile de le dire avec précision, mais si on se reporte à la définition que Paul donne de la prophétie en 1 Corinthiens 14:3, par leur ministère elles exhortaient, édifiaient et consolaient.
On a souvent souligné le fait que Priscille soit plusieurs fois nommée avant son mari Aquilas, contrairement aux usages de l'époque (3 fois/6). Elle a pris une part à l’enseignement d’Apollos et à la propagation de l’Evangile avec son mari. Paul, souvent injustement taxé de misogynie, mentionnera de nombreuses femmes dans ses épîtres. Dans les salutations de l’épître aux Romains, parmi les personnes dont l’engagement dans la vie de l’Eglise est précisé, les femmes sont majoritaires (7 contre 5) ce qui amène P.Lampe dans son étude des noms de Romains 16 à se demander si la situation des femmes à Rome était exceptionnelle.[10] Phoebé qui est serviteur de l'Eglise de Cenchrées, est qualifiée de protectrice. Quoi que cette expression veuille dire exactement, elle semble contenir une notion d’autorité. Une femme, Junia, est appelée apôtre remarquable.[11] Marie, Perside, Tryphène et Tryphose se sont beaucoup dépensées, ont travaillé pour le Seigneur…( Paul demandera aux Corinthiens de se soumettre à de telles personnes ! 1 Corinthiens 16:16). Evodie et Syntyche, collaboratrices de Paul, ont combattu côte à côte avec lui pour l'Evangile (Philippiens 2:2). Des femmes ont exercé le ministère de diaconesses dans l’Eglise d'Ephèse (1 Timothée 3).
Notons encore que la citation de Joël dans Actes 2:17 annonce, avec l’effusion de l’Esprit, une ère nouvelle de connaissance et de libération de la parole. Tout le peuple de Dieu, hommes et femmes, sera animé par l’Esprit prophétique. Contrairement à la circoncision de l’ancienne alliance, hommes et femmes dans la nouvelle alliance recevront le signe de l’alliance, le baptême. Les dons spirituels semblent être donnés sans distinction de sexe. (1 Corinthiens 12 et les passages parallèles) Quelle que soit l’application retenue pour la question du voile (1 Corinthiens 11:5), il n’en ressort pas moins de ce texte que pour Paul les femmes pouvaient prier et prophétiser dans l'assemblée. Ceci est d’autant plus marquant que la prophétie tient une place de tout premier plan dans l’Eglise primitive. Dans les trois listes de dons que Paul dresse, (Romains 12, 1 Corinthiens 12, Ephésiens 4) le ministère d'enseignement est placé après celui de prophétie !
Ce que le Nouveau Testament nous livre de la vie de l’Eglise apostolique semble correspondre à la déclaration de Paul : « Il n’y a donc plus de différence entre les Juifs et les non-Juifs, entre les esclaves et les hommes libres, entre les hommes et les femmes. Unis à Jésus-Christ, vous êtes tous un » (Galates 3:28).
La place des femmes dans le Nouveau Testament, notamment dans les récits des Evangiles est tout à fait exceptionnelle pour des écrits de cette époque. Il y a véritablement une révolution dans le regard porté sur les femmes et le statut qui leur est conféré dans l’Eglise du Nouveau Testament.[12] En réalité seuls deux textes semblent être directement restrictifs quant à la prise de parole des femmes (1 Corinthiens 14:34-35 et 1 Timothée 2:11-12) et c’est sur eux que s’appuient généralement ceux qui veulent restreindre la parole des femmes dans l’assemblée. Qu’il faille aussi tenir compte de la vision globale de l’Homme et de la Femme dans toute l’Ecriture n’enlève rien au fait que sans ces deux textes il serait bien difficile à ceux qui s’opposent à la prise de parole des femmes, notamment dans l’enseignement public de l’assemblée, de justifier bibliquement leur position. Ainsi est-il probable que sans ces deux passages l’argument pour exclure les femmes de la prédication et de la direction de l’Eglise ne serait jamais apparu.
Extrait d'un petit livre que j'avais écrit en 2005 - L'Eglise : Autorité, Direction, Ministère Féminin
[1] Anne-Laure Danet, 1 Timothée 2,8-15 et le ministère pastoral féminin, Hokhma n°44, 1990, p.25 [2] Alfred Kuen, La femme dans l’Eglise, Emmaüs, St Legier, 1994, p.32 [3] Brown, Mesdames acceptez nos excuses, La clairière, Québec, 1997, p.102 [4] Brown, p.115 [5] Bown, p.105 [6] Kuen, p.39 [7] E. Léonard cité par Kuen, p.33 [8] Danet, p.26 [9] Brown, p.116 [10] Samuel Bénétreau, L’épître aux Romains, Tome 2, Edifac, Vaux-sur-Seine, 1997 p.262 [11] voir dans ce sens S. Bénétreau p.263 et pour un avis plus nuancé Grudem et Piper, La revue Réformée n° 176 p.24 [12] voir Kuen, p.39 à 60 et Brown p.104 à 116
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